26/10/2010

L’Algérie, comme à la télévision


Le ministre du Commerce trouve que le niveau national d’inflation est “acceptable”. Qu’est-ce qu’un taux d’inflation “acceptable” ? Celui qui vient de doubler, passant de 3% en 2006 à 5,4 actuellement ? À quel niveau deviendra-t-il alors “inacceptable” ?



C’est comme si le ministre ne parlait pas du même taux d’inflation que celui qui pèse sur le budget des ménages qui fait que la pomme passe subitement de 25 à 70 DA le kilogramme ou de celui, officiel, précis mais désincarné, de 5,40%.


En matière de produits de large consommation, les prix avant l’inflation constituent déjà un handicap à tout espoir de vie décente pour l’écrasante majorité de ceux qui vivent et font vivre leur famille du seul fruit de leur labeur. Un Smig, c’est quinze kilos de viande par mois ; l’élément le moins cher, la pomme de terre est à plus de 70 DA.


Il n’est pas certain que les chefs de famille “acceptent”, avec la même aisance que le ministre, le niveau de vie auquel les contraint le marché national.


On peut d’ailleurs se demander si un taux d’inflation qui gravite autour de 5% peut rendre compte d’une réalité où les tarifs passent allègrement du simple au double. Et pas seulement dans le marché de l’alimentaire ; les dernières augmentations des tarifs de transport urbain dans la capitale illustrent ces excès qu’on observe dans les variations tarifaires.


Rien ne vaut un tour au marché pour constater qu’un smicard ne peut acheter que soixante kilos de raisin… de Mostaganem ! Si les produits de bourse, comme “l’huile et le sucre”, ont relativement augmenté, c’est surtout les produits de l’agriculture locale — qu’on dit en surproductivité — qui sont en nette élévation.


On use des statistiques, faites pour maîtriser l’évolution de la situation socioéconomique, comme d’un instrument de brouillage de cette réalité. Il en va de même pour la plupart des indices sociaux, comme le taux de chômage de 10% qui intègre — on se demande comment on a fait pour les recenser — les emplois non déclarés ou les données sur l’exécution du programme de logements qui incorporent, y compris les modestes “aides” au logement rural comme autant d’unités réalisées.


En nous comparant à des pays méditerranéens, dont certains connaissent une inflation minime (2,1 en Espagne, 1,6 en Italie) et au pays du Golfe à économie rentière parfaite, Benbada prend des contre-exemples pour des arguments. Nos dirigeants ignorent-ils aussi bien notre propre contexte que la nature et la réalité du monde qui nous entoure ?


Ces indicateurs sociaux améliorés, destinés à alimenter le discours d’autosatisfaction, ne peuvent pas compenser la difficile réalité endurée par le citoyen commun. Les décideurs finissent par prendre leur tableau de bord fictif pour l’état réel de la nation. C’est pour cela que leurs discours parlent d’une Algérie virtuelle, où la paix et la sécurité règnent, l’emploi bat son plein, le métro et le tramway arrivent, les logements se construisent par million.


Un Ramadhan, un boucher à qui une cliente demandait où l’on trouvait la viande fraîche importée et tarifée à 400 DA, eut cette réplique à son adresse : “À la télévision.”
M. H. liberté du 25/10/2010

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