07/09/2010

Elite sacrifiée

C'est en se gardant de toute complaisance à l'égard de l'action gouvernementale que le Conseil national économique et social (CNES), de 1996 à 2005, a gagné en crédibilité au grand bénéfice de l'économie nationale. Ce fut l'empreinte de Mentouri, aux côtés de hauts cadres et managers de grande compétence. Mais au plus fort de son ascension, le CNES a été décapité, le pouvoir politique ne pouvant supporter davantage la charge critique de ses rapports semestriels, pourtant de grande valeur scientifique. L'institution a entamé, dès ce moment-là, sa descente aux enfers, tandis que Mentouri fut réduit à la traversée du désert, alors qu'il pouvait encore beaucoup donner au pays. Son cas est loin d'être isolé au sein de cette race de fonctionnaires qui avaient fait le choix de travailler au service de l'Etat, mais tout en gardant leurs libre arbitre et distances avec le pouvoir politique. Ils sont des milliers, d'ex-chefs de gouvernement à des cadres d'exécution en passant par des ministres et des directeurs centraux, à avoir à un moment ou un autre payé le prix de leur indépendance et de leur droiture professionnelle et morale.




La plupart de ces commis de l'Etat, en pleine force de l'âge, ont été mis à la retraite de manière anticipée. Si certains ont mis leur savoir-faire au service du privé, beaucoup ont été réduits à tuer le temps comme ils peuvent. Toute une élite sacrifiée alors qu'elle a été formée à l'ancienne école, un énorme gâchis pour un pays en construction. C'est là aujourd'hui le cœur du problème de l'Etat algérien : transformé en appendice du pouvoir politique, voire en instrument entre ses mains, il est vidé de ses vraies compétences et il est fui par les jeunes cadres ambitieux en quête d'emploi. Ces derniers lui préfèrent le secteur économique, redoutant la perspective d'une mise au placard ou d'un limogeage brutal sans recours.



Toutes les institutions étatiques, nationales et locales, ont été mises en coupe réglée depuis 1999. Le moment fort de la confiscation est sans conteste les élections présidentielles. Au service du candidat-président Bouteflika, elles ont largement contribué à sa victoire. Ses adversaires malheureux n'ont eu droit qu'aux affichettes et aux minutes télévisées fixées par la réglementation électorale. Le gouvernement lui-même n'a pas échappé à cet accaparement comme d'ailleurs la télévision publique et les institutions censées assumer un rôle de contre- pouvoir. La Cour des comptes a été réduite au silence par le président de la République par le simple fait que cette institution lui rappelle de mauvais souvenirs. Quant à la justice, elle est bâtie de telle manière que les juges et les magistrats n'aient aucune possibilité d'agir avec indépendance. Les hommes de savoir et d’intelligence ont depuis longtemps déserté leurs universités.



Ali Bahmane édition d'El watan du 07/09/2010

Aucun commentaire: