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Hollande à Tlemcen, le « bras d’honneur » du clan d’Oujda à ses compatriotes
16 décembre 2012
Par Youcef Benzatat
Devant l’exacerbation du pouvoir algérien, par l’insistance du
peuple à lui contester sa légitimité, le qualifiant de pouvoir
despotique répondant au nom du clan d’Oujda, celui-ci, saisissant
l’occasion de la visite d’Hollande en Algérie, l’invite à Tlemcen,
bastion de ce clan, comme pour adresser « un bras d’honneur » au peuple
algérien, suite à son insistance dans la contestation de sa légitimité.
La visite du président François Hollande en Algérie intervient à un
moment critique, où le processus de verrouillage définitif de la société
et du champ politique en Algérie a été mené à terme, en complète
contradiction avec la promesse de consolidation du processus
démocratique annoncé par le président Abdelaziz Bouteflika lors de son
discours à la Nation le 15 avril 2011. La société algérienne a pu
constater lors de l’échéance électorale du 10 mai 2012 pour les
législatives, que l’adoption des nouvelles lois était en réalité pour le
pouvoir algérien une occasion de plus pour maîtriser davantage la
société civile et l’opposition politique, soit un moyen de renforcement
supplémentaire du contrôle de la société algérienne dans son ensemble.
Les conséquences de cette contradiction entre les réformes politiques
annoncées et les textes des nouvelles lois adoptées depuis janvier 2012
ont contribué à aggraver la béance qui sépare la société et le pouvoir.
La manifestation du mécontentement des électeurs devant ce mensonge
cynique n’a pas tardé à s’exprimer par un boycott massif des élections
législatives du 10 mai 2012. Comme si ce mensonge ne suffisait pas, le
pouvoir n’a pas hésité à renchérir de cynisme, en réaction à la
résistance du peuple algérien, par une fraude spectaculaire et de faire
élire le parti du pouvoir, - la pâle copie du glorieux FLN qui a
restitué la souveraineté nationale de l’emprise coloniale et qui a été
confisqué et détourné de sa mission de construction de l’Algérie
indépendante – par la concentration de la représentativité de la façade
démocratique autour de lui.
À ce stade de perversion du pouvoir algérien, personne ne pouvait
encore douter du degré d’enfoncement de sa fuite en avant vers plus de
cynisme envers le peuple, de mépris de la chose publique, de l’abandon
de la souveraineté nationale au profit des puissances étrangères, qui
lui assurent protection et maintien au pouvoir en échange de leur
bradage de l’Algérie à vil prix.
Personne encore en ces moments troubles n’osait traduire sa
rhétorique, déployée en la circonstance, à sa juste signification. On
s’efforçait naïvement et affectueusement à en minimiser la portée en
qualifiant ses termes de dérives langagières attribuées à un personnage
sénile et irresponsable en la personne d’Abdelaziz bouteflika, sans
mesurer la gravité de ces termes lourds de signification qu’il
employait. Pourtant, on ne pouvait douter de sa mauvaise foi par des
insinuations aussi paradoxales que la référence au 1° novembre 1954 et
le laconique défi « tab j’nanna », une métaphore potagère qui signifie
littéralement : notre jardin est mûr (le temps de notre domination de la
société est révolu). Une rhétorique en somme de défi et de menace
adressée au peuple s’il oserait lui contester sa légitimité à travers un
soulèvement populaire à l’image du jour du déclenchement de la guerre
de libération nationale. Une rhétorique qu’il emprunte au peuple et
qu’il la lui renvoie sous forme pervertie de défi et de menace. Car le
peuple algérien, excédé par la perpétuation du statu quo, ne cesse de
faire pression sur le pouvoir par la menace d’un soulèvement populaire à
l’image du 1° novembre 1954, pour dit-il, en finir avec la
gérontocratie au pouvoir. Venez donc déloger la gérontocratie que nous
sommes par un soulèvement populaire à l’image du 1° novembre 1954,
semble défier le pouvoir algérien son peuple, à travers sa rhétorique
cynique et perverse, comme une fuite en avant par la menace de la
répression et du chaos.
Après le mensonge des réformes politiques, la fraude, la répression
et la marginalisation de l'opposition au cours des législatives du 10
mai 2012, l’occasion des élections locales du 29 novembre 2012 vient
confirmer le faîte accompli définitif de la confiscation de l'État par
le pouvoir algérien et la précision de sa rhétorique de défi et de
mépris envers la souveraineté populaire. L’expression du faîte accompli
s’est traduite en une fraude massive et transparente au grand jour, par
la falsification des listes électorales, la généralisation du bourrage
des urnes, du vote multiple et massif des militaires et la
falsification des procès-verbaux du vote. Pour couronner le tout, le
pouvoir n’a pas hésité à transformer le processus électoral en un
gigantesque marché, au mépris du fait politique et de la démocratie et
de l’humiliation des acteurs politiques organiques, faisant d’eux des
charognards, se disputant à coups de millions les sièges d’élus locaux,
source de trafic de tous genres. Faisant de l’accès à la
représentativité populaire un lieu de débauche, de perversion politique
et de médiatisation honteuse de la corruption, alors qu’en parallèle, il
interdit la tenue de manifestations d'associations anti-corruption et
la neutralisation de la Cour des comptes. Plus qu’une provocation, il
s’agit là d’un défi lancé à toute forme de contestation pour la
normalisation politique.
Mais il reste un contentieux de taille que le pouvoir doit régler
avec la population, qui lui conteste depuis toujours sa légitimité, en
le qualifiant de clan d’Oujda, en référence à la prise du pouvoir par
l’EMG des armées des frontières, installé à l’époque de la guerre de
libération à Oujda, par un coup de force contre le gouvernement légal
installé à l’indépendance à Alger en été 1962.
Mû aveuglement par son cynisme et sa perversion dans sa fuite en
avant délirante, il n’hésitera pas à saisir l’occasion de la visite d’un
chef d’État important, en la personne du président de la République
française, François Hollande, pour atteindre l’obscène dans sa
rhétorique, qui prend des dimensions affreusement fascisantes. En
choisissant la ville de Tlemcen comme point de chute pour Hollande, pour
venir prononcer un discours à l’adresse des étudiants de cette ville.
Le choix de Tlemcen présente en fait deux opportunités efficaces pour sa
rhétorique, d’une part, c’est la région du président Bouteflika et d’où
est issu un nombre important du sérail, d’autre part, elle se situe à
la frontière marocaine à quelques encablures de la ville d’Oujda.
L’origine du président et la proximité de cette ville avec la ville
d’Oujda représentent en fait une symbolique forte pour une insinuation
au clan d’Oujda, symbole contesté des origines du pouvoir despotique
algérien. Le choix de cette ville ne présente par ailleurs aucune
motivation sérieuse. Si le choix était porté par exemple sur Batna,
capitale des Aurès, en tant que bastion de la rébellion à l’occupation
coloniale, ou alors Constantine (l’antique Cirta), capitale de l’embryon
de l'État algérien à l’époque numide, cela aurait eu un sens certain.
En invitant Hollande dans cette ville, le pouvoir algérien semble
accentuer sa rhétorique de déni de la souveraineté du peuple, en
confirmant cyniquement le reproche populaire de la confiscation de
l’État par le clan d’Oujda, comme par un passage à l’acte, à la
différence que celui-ci est mûrement réfléchi et délibérément planifié.
Un passage à l’acte, qui vient faire écho au bras d’honneur adressé aux
Algériens par un homme politique français et soutenu par une partie
importante de ses confrères, en réponse à leur demande de reconnaissance
du tort colonial à l’ancienne colonie.
Par mimétisme ou par concours de circonstances, le clan d’Oujda
s’apprête à adresser à son tour un bras d’honneur à ses propres
compatriotes en cette circonstance. Mais au-delà de la comparaison de
ces gestes obscènes et fascisants de la part des uns et des autres
envers le peuple algérien, la nature du tort qui leur est causé par les
uns et les autres est incomparable et ne saurait constituer un
quelconque amalgame. Car, si l’on peut trouver des circonstances
atténuantes au clan d’Oujda, pour les crimes commis contre son propre
peuple, il ne saurait y avoir d’équivalent de traitement pour les crimes
commis par la colonisation. Des crimes qualifiés d’extermination, de
crimes de masse, de crimes contre l’humanité, d’ethnocide, de
destruction du tissu social, économique et culturel et de pillage
systématique des richesses du peuple algérien et son transfert en
métropole. Mais ceci est une autre histoire. Elle sera prise en
considération en temps voulu, lorsque le peuple algérien aura recouvré
sa souveraineté et restitué son État, qui est à présent confisqué par ce
cynique clan d’Oujda. Lorsque de véritables patriotes auraient pris en
main les destinées de la Nation algérienne. Car pour l’heure, on ne peut
s’attendre de la part des hommes, qui ont bafoué la dignité de ce
peuple, de la réclamer en leur nom à l’ancienne puissance coloniale. Il
faudra pour cela qu’ils soient légitimes à les représenter, ce qui n’est
pas le cas aujourd’hui. Car le pouvoir du clan d’Oujda ne représente
pas le peuple algérien, pour recevoir le tort fait à ce peuple, parce
qu’un pouvoir qui ôte lui-même la dignité d'un peuple ne peut la
revendiquer d'autrui pour lui, sauf si ce pouvoir est mafieux, et il est
de coutume que la mafia conditionne la défense des intérêts de ses
protégés par la confiscation de leur souveraineté et de leur racket. Sur
ce registre, en temps voulu, lorsque les Algériens auront restitué
leur souveraineté, et se sont dotés d’une diplomatie représentative de
leurs intérêts, ils sauront conditionner leurs relations avec les
auteurs du tort qui leur a été fait à juste raison pour restituer leur
dignité.
D’autant plus, les hommes au pouvoir aujourd’hui ont plus besoin de
l’ancienne colonie pour assurer leur survie en échange du bradage des
richesses nationales que de les affronter sur ce terrain. C’est du
moins, là où semble résider l’essentiel de la motivation de la visite
d’Hollande en Algérie. Embourbé dans la crise économique qui menace son
pays d'une dangereuse récession, il lui importe qui va-t-il visiter,
l'essentiel réside pour lui de veiller à la bonne santé de son pays et
de son peuple, en tant que patriote élu souverainement, pour cela, il
lui faut des contrats. Hollande vient en Algérie faire le marché pour
son pays.
Quelle Algérie Hollande vient-il visiter en fait, est-ce celle qui
est reniée par le peuple algérien, ou celle qui lui garantit
l’embellissement de son pays, ce pour quoi il a été élu ?
En s’adressant au peuple algérien, est-il en mesure de s’indigner de
la confiscation de leur État par un pouvoir despotique, et penser un
instant aux crimes commis contre ce peuple par ce pouvoir, alors que
lui-même porte dans sa conscience des crimes plus horribles encore et
commis cette fois contre ce peuple par son propre peuple ?
Que peut attendre le peuple algérien de la visite de Hollande ? Rien.
Car l’histoire n’appartient pas au champ des sirènes que l’on entend
par-ci, et par-là, aussi bien dans la presse organique que dans les
discours officiels claniques, « la voix de la raison est basse, mais ne
cesse d’être entendue », » disait Sigmund Freud. La raison des peuples
est au-dessus des intérêts et des compromis diplomatiques conjoncturels.
Le temps de la réconciliation ne peut advenir, si les conditions pour
l’accomplir ne sont pas réunies. Dans nos conditions actuelles, le bras
d’honneur de Gérad Longuet est une insulte à la hauteur
civilisationnelle de la France et à la mémoire des grands hommes qui
l’ont construite, au même titre que les artisans de la barbarie
coloniale qui l’ont conduite au nom de la France. Quant aux despotes
Algériens, leur destin est lié au temps, qui travaille contre eux, et
n’auront de place dans l’histoire, qu’un petit paragraphe pour évoquer
l’errance malheureuse d’une Nation en reconstruction après un long
cataclysme.
Youcef Benzatat: http://blogs.mediapart.fr/blog/youcef-benzatat/161212/hollande-tlemcen-le-bras-d-honneur-du-clan-d-oujda-ses-compatriotes