Quand le Premier ministre parle du pays, on a du mal à se rappeler qu’il est au gouvernement depuis treize ans. Il semble y débarquer et le découvrir, se disant “choqué” par le taux d’inflation, par la bureaucratie bancaire, par la résistance à l’adhésion à l’OMC !
Devant les acteurs socioéconomiques, il compare même la situation de l’Algérie à celle des républiques staliniennes résiduelles. Le style anecdotique avec lequel il pose les problèmes de l’économie nationale cache mal l’impossibilité politique — ou le refus — de s’attaquer aux racines de la panne économique.
Sellal s’étonne de pratiques telles que l’exigence de l’extrait de naissance numéro 12 ou le contrôle par les banques des dépôts et retraits ; or, c’est bien l’État qui oblige nos banques à surveiller tous les mouvements financiers, y compris les plus anodins, au profit d’une instance de “lutte contre le blanchiment d’argent”.
Celle-ci travaille d’ailleurs exclusivement sur la base des “déclarations de suspicion” transmises par les banques. Et, pour “suspecter”, les banques sont obligées de “tracer” les opérations les plus anodines de leurs clients.
De la même manière, ce n’est pas le défaut de “facilitations en termes d’octroi de crédits et de gestion bancaire quotidienne” qui contrarie l’investissement et la croissance ; mais l’impasse de l’investissement est due à bien d’autres handicaps, tels que la gestion du foncier industriel, la réglementation du commerce extérieur, la concurrence déloyale de l’économie informelle, la législation concernant la monnaie et le change, etc. Nous sommes donc loin d’un simple dysfonctionnement bureaucratique de banques primaires.
Il y a aussi l’hypothèque de la loi sur les 51/49% et le Crédoc dont Sellal dément le blocage en recourant à l’exemple de projets qui n’en sont encore qu’au stade de l’intention : le projet sidérurgique qatari de Bellara et le projet SNVI-Renault à Oran. Deux réalisations virtuelles, qui n’existent pas. Ces exemples prouvent que, contrairement à ce que Sellal veut démontrer, la promulgation de la loi de finances complémentaire pour 2009 a effectivement plombé les IDE et les projets de partenariat !
D’un autre côté, on ne peut tout de même pas proclamer l’urgence de l’adhésion à l’OMC et faire fonctionner l’économie sur la base d’initiatives autoritaires comme celle de donner la priorité aux desiderata des amis qataris ou celle de céder les 100% d’Alver à un investisseur français. Paradoxalement, le gouvernement, qui dit se soucier du transfert de technologie, fait appel à des opérateurs étrangers, au détriment des capacités nationales, et dans des industries où l’Algérie sait déjà faire : l’acier et le verre, par exemple !
La Corée du Nord, qui nous sert de cliché, a au moins l’avantage d’avoir une politique économique qui, pour être d’un autre temps, n’en est pas moins lisible. L’Algérie n’a pas de politique économique. Et, côté sphère sociale, le mur de Berlin n’est pas encore tombé : le pouvoir impose encore aux travailleurs la représentation monopolistique d’un syndicat de type soviétique.
Dans ce contexte où la manne pétrolière tient lieu de “réussite macroéconomique” et autorise l’inertie et le bricolage socioéconomique, quel contenu le gouvernement peut-il mettre dans le slogan de “pacte de croissance” ?
Par : Mustapha Hammouche.......>liberté